BRAZZAVILLE, 11 JUIL (ACI) – Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Hcr) a formé les magistrats du Tribunal de grande instance (Tgi) de Brazzaville sur les questions d’apatridie, pour limiter les risques de ce fléau dû à la non-délivrance des justificatifs de nationalité par ces derniers.
Un apatride est une personne qu’aucun Etat ne considère comme étant son ressortissant par application de sa législation, a défini l’administrateur national de protection au Hcr, M. Quentin Godefroy Banga, à l’ouverture de l’atelier de renforcement des capacités des magistrats sur l’apatridie, organisé du 10 au 11 juillet à Brazzaville.
A l’occasion de cet atelier organisé sous forme de consultation avec ces cadres impliqués dans la chaîne de délivrance des certificats de nationalité, en vue d’identifier les goulots d’étranglement liés aux questions de nationalité, M. Banga n’a pas manqué d’expliquer les causes de ce fléau qui touche plus de 10.000 personnes au monde, selon cet organe onusien.
Pour le cas du Congo, il s’agit des lacunes législatives, de la défaillance du système d’enregistrement des naissances, de la négligence des parents dans la déclaration des naissances et de la perte des bornes dans les zones frontalières, a-t-il dit avant d’épingler quelques conséquences d’ordre sanitaire (programme de vaccination mal adapté) et administratif (individus inexistants dans le fichier administratif, mais présents sur le territoire).
Au Congo, la nationalité est régie par la loi du 20 juin 1961 portant Code de nationalité congolaise. Cette loi, qui définit les modalités d’acquisition de la nationalité congolaise, autorise au juge d’instance de la résidence du requérant de délivrer un certificat de nationalité congolaise à toute personne qui en a le droit (article 95).
Cependant, il est constaté dans la pratique que certains usagers n’ont pas facilement accès au certificat de nationalité et d’autres encore, ayant demandé la nationalité congolaise, ont vu leurs requêtes rejetées ou classées sans suite pour des raisons non élucidées à ce jour, a fait savoir M. Banga.
Cette façon d’agir est une atteinte au droit à la nationalité et expose-les concernés au risque de devenir apatrides, a-t-on noté.
Pour M. Banga, ce phénomène ne touche pas que les migrants, mais aussi les nationaux, car les résultats partiels du recensement à vocation d’état civil lancé le 15 juillet 2018, donnent plus de 150.000 personnes dépourvues d’actes de naissance au Congo. Ce sont donc des personnes à risque d’apatridie.
De son côté, le préfet, directeur général de l’administration du territoire, M. Jacques Essissongo, présentant le thème « Le système d’état civil en République du Congo et l’examen des demandes de nationalité», a relevé que les autorités s’emploient à réécrire le code de famille sur le volet état civil en raison de la caducité de la loi, d’où la grande réforme qui a abouti à un projet de loi sur l’état civil au Congo, déjà dans le circuit de validation.
M. Essissongo a aussi rappelé la loi de finance exercice 2020, qui autorise la gratuité des justificatifs de naissance, dénonçant le fait que certains ne respectent pas cette loi.
Par ailleurs, il a remercié le Hcr pour son appui dans l’amélioration du système d’état civil. À ce jour, cette agence onusienne en charge des réfugiés a remis 1.392 registres d’actes de naissance aux autorités congolaises.
Pour sa part, la magistrate, juge au Tgi de Brazzaville, Mme Laure Biyoudi, s’est réjouie d’avoir participé à cet atelier, durant lequel elle a pris connaissance pour la première fois du concept apatridie, de l’ampleur de cette question dans le pays et des deux conventions des Nations-Unies sur la lutte contre l’apatridie, à savoir celles de 1954 et de 1961.
Ainsi, elle a souhaité que le Hcr, qui a entre autres mandats de prévenir l’apatridie, poursuive la sensibilisation sur ce fléau pour atteindre la majorité de la population congolaise.
Outre les magistrats, le Hcr a formé, entre autres, les agents de la force de l’ordre et les parlementaires sur les questions liées à l’apatridie. Cette série de formations fait partie de la campagne mondiale pour éradiquer ce phénomène d’ici 2024.
Lancée depuis quelques années, cette campagne est dénommée #Ibelong, a-t-on rappelé. (ACI/Loe Mercia)