BRAZZAVILLE, 10 JUIL (ACI) – L’Afrique devrait connaître un rebond de 3% de sa croissance économique en 2021, contre -3,4% dans le pire des scénarios pour 2020 si les gouvernements parviennent à juguler la propagation de la pandémie de la Covid-19, affirme la Banque africaine de développement (Bad)
Selon le supplément aux «Perspectives économiques en Afrique 2020» de la Bad, publié le 7 juillet dernier à Abidjan en Côte d’Ivoire, la croissance de l’Afrique était prévue à 3,9 % en 2020 et à 4,1 % en 2021.
Ce supplément stipule que près de 49 millions d’Africains pourraient plonger dans l’extrême pauvreté à cause de la pandémie, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Le nombre de ces Africains pourrait atteindre 453,4 millions en 2020 en raison de la pandémie, contre 425,2 millions dans un scénario sans pandémie.
Pour le directeur exécutif du Consortium pour la recherche économique en Afrique et ancien gouverneur de la Banque centrale du Kenya, M.Njuguna Ndung’u, ce supplément est un outil de politique très important et utile pour les pays africains. Il sera utile maintenant et à l’avenir, car il donne au continent d’importantes stratégies à court, moyen et long terme.
«Ce supplément montre que pour la première fois depuis un demi-siècle, l’Afrique serait confrontée à une récession économique en raison des retombées de la pandémie de la Covid-19», a déclaré la directrice du département des politiques macroéconomiques, des prévisions et de la recherche à la Bad, Mme Hanan Morsy.
La pandémie, origine d’une accélération soudaine de l’inflation, alourdira la charge de la dette souveraine
La pandémie a déjà provoqué une accélération de l’inflation sur le continent, qui, dans certains cas, dépassait 5% au premier trimestre de 2020. Cette accélération découle principalement des perturbations dans l’approvisionnement en ressources alimentaires et énergétiques pour la plupart importées, souligne le document.
Pour de nombreux autres pays, la chute brutale de la demande agrégée en raison du confinement et des autres mesures restrictives a facilité les pressions inflationnistes, surtout pour les économies à faible intensité en ressources.
En dépit de la probable augmentation de l’inflation globale concernant les prix des produits alimentaires et de l’énergie de base, l’inflation sous-jacente pourrait se stabiliser jusqu’au retour de la demande une fois la pandémie sous contrôle, a-t-on noté.
Par ailleurs, le document stipule que la crise du coronavirus renforce la probabilité d’une crise généralisée et profonde de la dette souveraine si celle-ci n’est pas correctement gérée. De nombreux pays africains ont abordé cette crise avec des ratios dette-PIB élevés, qui augmenteraient jusqu’à 10 points de pourcentage au-delà de la trajectoire prévue pour 2020 et 2021.
Les dépenses budgétaires expansionnistes doubleraient les déficits budgétaires
Selon le document, il est probable que la pandémie et ses conséquences économiques ouvrent la voie à des réponses de politique budgétaire expansionniste dans toutes les économies africaines, ce qui creuserait davantage les déficits budgétaires du continent.
En 2020, ces déficits devraient doubler et atteindre 8 % du PIB dans le scénario de base et 9 % dans le scénario pessimiste. Cette évolution défavorable de la situation budgétaire aurait pour origine une augmentation des dépenses budgétaires en raison de la prise en charge sanitaire des patients du coronavirus, précise le document.
Des pistes de solution pour atténuer l’impact de la pandémie
Pour réduire cet impact, la Bad appelle à des mesures d’interventions urgentes dans toute l’Afrique. Ces interventions doivent être parfaitement articulées et comprendre plusieurs volets, parmi lesquels celui des mesures de santé publique pour contenir la propagation du virus et réduire le nombre de décès, ainsi que celui des mesures de politique monétaire pour atténuer les effets de l’insuffisance des liquidités.
En outre, l’institution suggère de nouvelles politiques de régulation du marché du travail destinées à protéger les salariés et les emplois, et les politiques structurelles devant permettre aux économies africaines de se reconstruire et d’améliorer leur résilience face aux chocs futurs.
Pour la Bad, le tourisme, les transports et les loisirs seront certainement les secteurs qui tarderont le plus à repartir. Entre 2017 et 2018, le secteur du tourisme et des voyages en Afrique avait progressé de 5,6 %, moyenne internationale de 3,9 %.
Pour sa part, l’économiste en chef par intérim et vice-président pour la Gouvernance économique et la gestion des connaissances à la Bad, M. Charles Leyeka Lufumpa, affirme que « pour rouvrir les économies, les décideurs politiques devraient adopter une approche progressive et graduelle qui évalue soigneusement les compromis entre le redémarrage trop rapide de l’activité économique et la préservation de la santé des populations ».
Aussi, les gouvernements et les partenaires au développement doivent intervenir de manière mieux coordonnée, plus ciblée et plus rapide pour limiter efficacement les répercussions de la crise de la Covid-19, conclut le document. (ACI/Grace Dinzebi)