Congo/Énergie Électrique : «Aucun barrage n’a été vendu», dixit Emile Ouosso

Le Chef de l’Etat congolais, M. Denis Sassou-N’Guesso, a initié des réformes du secteur de l’énergie, il y a plus de deux décennies, pour relever les défis dans ce domaine et attirer les investisseurs.

Ces réformes ont conduit, entre autres, à la création de E2C ainsi qu’à la concession des quatre centrales hydroélectriques du Congo à des sociétés privées pour une durée de 30 ans. Il s’agit du barrage du Djoué, situé à Brazzaville, de Moukoukoulou dans la Bouenza, d’Imboulou à cheval entre le Pool et les Plateaux et celui de Liouesso dans la Shangha.

«Ces concessionnaires doivent payer un pas de porte de trois milliards à chacun avant de prendre possession de la centrale. Chaque année, ils vont payer à l’Etat à travers la société de gestion du patrimoine, E2C, une redevance et un loyer. L’Etat n’a pas vendu les centrales hydrauliques et aucun travailleur de E2C ne sera licencié», a dit le ministre Ouosso, lors de la concession du tout dernier barrage, celui de la Centrale hydro-électrique d’Imboulou, le 19 juillet à Brazzaville.

Avec ces changements dans le domaine de l’énergie, certains congolais s’interrogent encore si l’État a vendu ses barrages et sur le sort des travailleurs de E2C.

A ces interrogations, Emile Tsakala, conseiller à la stratégie et au développement du secteur de l’énergie et de l’hydraulique au ministre de l’Energie et de l’hydraulique, a accordé une interview aux journalistes, le 11 août dernier, pour sensibiliser les Congolais sur le bien-fondé de ces concessions.

Aci, M. Tsakala, pourquoi la réforme du service publique de l’électricité et de l’eau ?

Emile Tsakala: En 2003, le Congo a voté la loi n°14-2003 du 10 avril 2003 portant code de l’électricité. Cette loi énonce en son article 7 que la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation constituent un service public placé sous le contrôle de l’Etat, en vue de la vente au public.

En son article 23, il est précisé que l’État peut déléguer à une ou plusieurs personnes publiques ou privées de droit congolais, la gestion de tout ou partie du service public de l’électricité.

Il conclut, à cet effet, un ou plusieurs contrats de délégation qui peuvent prendre la forme de la concession, de l’affermage, de la régie intéressée, de licence ou toute autre forme de délégation applicable au secteur de l’électricité.

Dans le secteur de l’électricité, je dois vous rappeler que jusque-là, c’était l’Etat qui a financé la réalisation de ses quatre ouvrages et le service public était assuré par la Sne qui était verticalement intégrée.

Malheureusement, les résultats n’ont pas permis à cette société de pouvoir financer les investissements, que ce soit pour les grosses maintenances ou les extensions de capacité de production et le réseau de distribution.Généralement les révisions générales des turbines ont lieu tous les cinq (5) ans Or, au niveau de la centrale de Moukoukoulou (74 Mw), qui dispose de quatre turbines, une seule a connu la révision pendant les cinq dernières années et trois autres n’ont pas été révisées.

La dernière révision remonte à 2003, soit un retard de 20 ans ; Celle d’Imboulou (120Mw), qui dispose de quatre turbines et mise en service en 2010, n’a pas eu de révision générale. Une turbine est à l’arrêt depuis décembre 2018, elle est en réparation depuis l’année dernière.

Concernant la centrale de Liouesso de 19,2Mw, mise en service en 2016, ses trois turbines n’ont pas connu de révision générale jusqu’à ce jour.C’est toujours l’Etat qui avait financé les investissements réalisés dans les segments de la production, du transport et de la distribution de l’électricité.

A cause du poids de la dette, l’Etat n’a plus les moyens d’assurer ces investissements tant pour la maintenance des ouvrages que pour le développement des nouveaux ouvrages.

C’est dans ce contexte que le Congo, à l’instar des autres pays s’est tourné vers les privés pour financer et réaliser les grosses maintenances des ouvrages existants et la construction des nouveaux ouvrages. «C’est cela qui a conduit à la réforme de l’électricité».

En 2010, le gouvernement a approuvé le 1er document de stratégie de la politique de développement des secteurs de l’électricité, de l’eau et de l’assainissement.

En 2017, il y a eu une deuxième lettre de politique nationale du secteur de l’électricité, et c’est sur la base de cette lettre qu’intervient la dissolution de la Sne.Aujourd’hui, nous sommes en train de travailler dans la stratégie qui va couvrir la période de 2023 à 2030.

Aci : Quel a été le processus de mise en concession de ces centrales.

E. T: En 2019-2020, il y a eu un appel d’offre international pour la mise en concession des centrales hydroélectriques de Moukoukoulou, d’Imboulou et de Liouesso qui avait été lancé en deux étapes.Et à l’issue de cet appel, il y a eu des soumissionnaires qui avaient était sélectionnés.

Le barrage de Djoué (15 Mw), inauguré en 1954, a été concédé à la société Hydro Operation International; Moukoukoulou, mise en service en 1979, a été concédé au Groupement Weihai-Zhengwei ; Imboulou au Groupement HOI-AXIAN Energy et Liouesso au Groupement Ghezouba/Energaz.

Outres ces quatre barrages, l’Etat congolais a concédé la thermique de Gaz de Djéno située à Pointe-Noire à la Société turque AKSA Energy Congo.

En 2022, les accréditations ont été faites. A ce jour, toutes les conventions de concession ont été négociées et signées par l’Etat. Il reste à réunir les conditions pour l’entrée en vigueur de ces conventions de concessions, parmi lesquelles, le décret approbatif du gouvernement.Nous avons confié ces ouvrages aux opérateurs pour une période de 30 ans, afin qu’ils nous les rendent en étant opérationnel à 80%.

Aci : Pendant cette période de concession, est-ce que l’Etat aura des moyens de vérifier si l’exploitation se passait selon les normes établies?

E.T: Oui, le gouvernement a un outil pour contrôler cette exploitation. Il s’agit de la société de gestion du Patrimoine, E2C.De plus, l’Etat congolais à travers la société E2C est actionnaire dans chacune de ces centrales à hauteur de 15 %. Et, il y aura bel et bien un représentant de l’E2C au conseil d’administration de ces différentes sociétés.

En cas de défaillance d’un opérateur, les activités de la centrale hydroélectrique seront reprises par la société E2C jusqu’à l’attribution à un nouvel opérateur.

Aci : Quelle sera la situation sociale des actuels travailleurs de la société E2C?

E.T: Nous avons négocié avec les concessionnaires pour qu’aucun travailleur ne perde son emploi, ni les avantages qu’il avait acquis au moment où le concessionnaire prend en charge ces installations. Personne ne doit perdre son emploi, cela est consigné dans les conventions de concession.

Aci : Ces réformes n’auront pas un impact sur le prix de l’électricité ?

E.T: En 2020 le gouvernement a pris un décret sur la nouvelle catégorisation des clients, c’est-à-dire qu’à l’avenir ceux qui ont une consommation mensuelle de moins de 150 kw auront un traitement spécifique.

Il faut rappeler que les tarifs appliqués dans notre pays sont les mêmes depuis 1994, c’est-à-dire, qu’on n’a pas répercuté les coûts de tous les investissements qui ont été assurés par l’Etat dans le secteur de l’électricité, notamment la construction des centrales hydroélectriques d’Imboulou et de Liouesso et des lignes de transport associées.

Le gouvernement entend définir une couche sociale, afin de prendre en compte les ménages à faibles revenus, en même temps une revalorisation des tarifs, en raison de la demande des bailleurs de fonds de sursoir des subventions de l’Etat dans le secteur de l’électricité. (ACI/Loe Mercia)

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