Discours du Président Denis SASSOU-N’GUESSO à l’occasion de la 78ème Assemblée générale des Nations Unies

  • Monsieur le Président de l’Assemblée générale ;
  •  Excellence. Mesdames et Messieurs les chefs d’État et de gouvernement.
  •  Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies ;
  • Mesdames et Messieurs ;

Comme la plupart des orateurs qui m’ont précédé, je voudrais, moi aussi, exprimer ma compassion fraternelle et ma solidarité avec les peuples du Maroc et de Libye, fortement endeuillés, ces jours-ci, par des catastrophes naturelles aux conséquences indicibles.

Il y a quelques semaines encore, je recevais le rapport d’une mission que j’avais envoyée en Libye, dans le cadre de la mission de paix et de réconciliation de l’Union africaine que je conduis depuis près de 6 ans.

Le rapport de cette mission, a témoigné longuement du courage et de la résilience du peuple libyen, l’art de vivre dans la division. Un peuple qui se bat pour conjurer les démons de la partition du pays pour retrouver le chemin de la vérité, de la réconciliation et de la paix. Un peuple résolu à s’engager sur la voie du redressement et à retrouver la prospérité. C’est à ce peuple brave  et courageux et  qui a tant donné en Afrique que j’adresse mes sincères condoléances.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Le thème de notre débat général résume très clairement notre commune volonté de changer qualitativement le monde. Tel était déjà la philosophie généreuse et la finalité de dix-sept Agenda 2030 des Nations unies pour assurer la paix, la sécurité, la prospérité à tous les peuples de la terre.

Qu’il s’agisse d’éliminer la pauvreté et la faim dans le monde grâce à une économie globale plus juste et plus équitable, grâce à une agriculture performante et durable, ou  qu’il s’agisse de garantir la bonne santé au plus grand nombre et une éducation de qualité au plus défavorisés, il n’y a là que des priorités absolues.

Tout comme le sont aussi, entre autres, la fourniture de l’eau et de l’électricité aux couches sociales plus larges, la construction des infrastructures routières, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires et énergétique pour relier entre eux des ponts et des territoires des pays, des régions et des sous régions.

La préservation des écosystèmes de biodiversité, notamment, par une gestion responsable de ces forêts tropicales qui sont l’un des plus précieux patrimoines que nous ayant reçu de la providence.

Le combat pour faire évoluer les mentalités dans le monde, dans le respect de la diversité,  des expressions culturelles et dans la tolérance réciproque. L’ancrage dans nos sociétés de l’idée, d’égalité des gens et de parité hommes-femmes. L’autonomisation des femmes et des filles.

Sur ce dernier point, je voudrais souligner la part prépondérante, dans la responsabilité comprise, les femmes dans mon pays, au cours des  quinze dernières années, aujourd’hui, elle contribue de manière remarquable, à la promotion de leurs droits et libertés, au combat pour l’élimination de la pauvreté et à l’intensification d’une éducation inclusive à travers les formations et les apprentissages tous azimuts.

 Bref, toutes ces priorités que je viens d’énumérer, appel, de la part de chacun d’entre nous, un sens élevé du devoir et de responsabilité, une ouverture d’esprit aux vertus du dialogue, un solide élan  de solidarité, de la patience et de la résilience.  L’équilibre des Nations dans le monde me semble largement tributaire de cette évolution et de cette option.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Le climat est aujourd’hui, la plus pressante de toutes les urgences. Cette urgence touche au cœur de la vie, dans toute sa diversité,  elle questionne notre existence dans toute sa complexité.

 La montée continuelle des niveaux des mers qui met en péril les pays insulaires. La désertification déferlante que plus rien ne semble arrêter. La canicule suffocante qui emporte, chaque fois, de nombreuses personnes du troisième âge. Les inondations répétitives et les coulées de boue soudaine qui occasionnent les dégâts que l’on voit.  Au tant des phénomènes aussi dangereux que dévastateur qui interpellent désormais jusqu’au plus sceptique d’entre nous.

C’est pourquoi, assumant à ma responsabilité, en ma qualité de président de la commission climat du bassin du Congo, j’ai lancé lors de la COP 27 en Egypte, l’initiative de la décennie mondiale de l’afforestation pour une biodiversité et un couvert végétal dense au service de l’humanité.

Dans le même élan, mon pays, la République du Congo, s’est engagé à abriter en octobre prochain un sommet des trois bassins des écosystèmes, de  biodiversité et des forêts tropicales, Congo, Amazonie. Bornéo Mékong et Asie du Sud-Est comme réponse collective et concertée de ces trois poumons vert de la planète à l’insécurité climatique désormais, si menaçant.

Depuis la nuit des temps, nous le savons tous, la forêt fait vivre des millions et des millions d’individus. Avec un taux de déforestation des plus faibles au monde, puisqu’il n’est que de. 0,06%, mon pays joue à fond sa partition dans la préservation de l’environnement, au nom de la survie de l’humanité.

Aujourd’hui, nous ne pouvons que nous réjouir, de l’heureux aboutissement du dossier d’inscription du parc naturel, d’Odzala Koka, sur la liste du patrimoine mondial, inscription faite lors de la 45ème  session du comité du patrimoine de l’Unesco tenu, récemment, à Riyad, en Arabie saoudite.

 C’est indéniablement un acte de reconnaissance, un acte qui gratifie à leur juste mérite les efforts de mon pays dans la préservation de ce joyau naturel de près de 1,2 millions d’hectares, riche en biodiversité animale et végétale, au cœur du bassin du Congo.

Les sacrifices consentis par les populations riveraines, en abandonnant, volontairement, certaines activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement et le renoncement par les États à des projets de développement pour préserver les écosystèmes de biodiversité, devrait, également, appelé de la part de la communauté internationale, des compensations financières qui ne seraient pas, du tout, de la charité.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

En Afrique, dans le registre du développement agricole, nous savons qu’il nous faut protéger les terres arables des incidences néfastes du changement climatique.  Sans cette précaution, Les prévisions en matière de production deviendront totalement aléatoire et plus rien ne saurait être maîtrisé.

La responsabilité des dirigeants que nous sommes est écrasante à ce sujet. En effet, avec une population qui pourrait avoisiner les 2 milliards d’habitants en 2050, l’Afrique doit, dès à présent, opérer un bon qualitatif pour disposer demain d’une nourriture suffisante de qualité et conjurer à tout jamais le spectre de la famine et de l’exode de ses populations.

 L’Afrique a urgemment besoin d’une agriculture moderne, soutenu notamment, par des dispositifs performants d’irrigation et de mécanisation. Une agriculture qui doit lui permettre de réduire de manière significative ses importations alimentaires, aujourd’hui encore trop élevé. C’est pourquoi, j’en appelle à des partenariats techniques et financiers efficients pour des avancées substantielles dans ce secteur.

 L’Afrique n’a nullement besoin de ces partenariats sous-tendus par des aides publiques au développement politiquement orienté et synonyme d’aumône organisé.  Les subventions au compte-goutte, distillé au rythme des intérêts propres des donateurs ne permettront certainement pas l’essor réel et effectif de notre continent.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

 La présente session de l’Assemblée générale se tient alors que les guerres et autres conflits armés font rage dans le monde. C’est ici le lieu de marteler, une fois de plus, qu’aucun progrès marquant ne sera possible sur aucun continent et dans aucun pays sans la paix. L’espoir d’atteindre les objectifs du développement durable assignés par les Nations unies ne sera qu’une chimère, si nous ne créons pas nous-mêmes, la première de toutes les conditions nécessaires à leur réalisation, à savoir, la paix.

 Pour sa part, chaque fois que les circonstances l’ont permis, la République du Congo a toujours œuvré pour la résolution pacifique des conflits en Afrique et dans le monde. C’est ainsi que mon pays a décidé de prendre une part active à l’initiative africaine, pour une médiation de paix entre la Russie et l’Ukraine.

En raison du risque de guerre généralisée que ces événements font peser sur le monde. Non seulement les deux protagonistes dans ce conflit, mais également les puissances étrangères qui peuvent influencer le cours des événements dans le sens de la paix. Tous, devraient tempérer leurs ardeurs, cesser d’’attiser les braises et s’engager, sans délai, dans des négociations de paix. Des négociations justes, sincères et équitables.  Le monde a urgemment besoin de ces négociations pour éviter que les affrontements en cours, déjà si dévastateur, n’aillent encore crescendo et fassent  basculer l’humanité dans ce qui pourrait être un cataclysme irrémédiable, c’est-à-dire, une guerre totale et qui échapperait au contrôle des grandes puissances, elles-mêmes. Je reste persuadé que les sages recommandations formulées par l’Afrique pour restaurer la paix entre l’Ukraine et la Russie finiront par être prise en compte.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

En ma qualité de président du comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, je ne peux pas passer sous silence, devant l’auguste assemblé que vous constituez, la situation dramatique que ce pays vit depuis 2011. Une situation pour laquelle je m’investis sans compter, au nom de l’Union africaine, les efforts de paix consentis dans le cadre de cet épineux dossier, ce sont encore poursuivis récemment, en juillet 2023, dans le cadre d’une réunion de réconciliation qui a eu lieu à Brazzaville, dans mon pays et qui a permis à plusieurs acteurs représentant l’essentiel des sensibilités politiques et sociales libyennes de s’asseoir à la même table. Tout a été fait pour amener les protagonistes à transcender leurs divergences et à rapprocher leur compréhension des défis de la Libye de demain.

La conférence de réconciliation Inter libyenne que la médiation que je préside, n’aura de sens que si elle est inclusive, constructive et consensuelle. Elle doit permettre à nos frères et sœurs libyens de renouer avec la vertu du dialogue en cessant de se regarder en chien de faïence, d’apprendre à se pardonner et de donner la prépondérance à la justice sous bassement de l’État de droit dont ils sont appelés à écrire l’histoire.

J’en appelle, une fois encore, à l’accompagnement de la communauté internationale, à commencer par les pays de la sous-région et les organisations qui les regroupent, sans oublier les pays dits du Quartet, en vue d’un soutien concret de nos efforts afin d’ouvrir une perspective solide et crédible à la résolution définitive de cette crise qui n’a que trop durée.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Face à l’unilatéralisme qui ronge dangereusement les fondations du bel édifice que tant de génération se sont employés à bâtir depuis 1945, la République du Congo, par ma voix, réaffirme son engagement en faveur du multilatéralisme, gage de justice dans les relations internationales, d’équilibre, d’équité, de paix et de coopération pour un développement partagé.

Le multilatéralisme, nous le savons tous, ne peut prospérer que dans un système global, juste et équitable. Un système qui soit à l’image, non plus des fantasmes du passé, mais des évolutions et des réalités de notre temps. D’où, l’impérieuse nécessité de réformer, son outil de référence, qu’est le Conseil de sécurité des Nations unies, afin d’assurer une représentation plus juste de tous les continents et de tous les peuples du monde.

Sur ce chantier, l’Afrique a une position commune. Une position conciliante et consensuelle scellée  à Ezulwini que mon pays n’a jamais cessé de défendre et ce, depuis plus d’une décennie.

Je réitère ici et maintenant, l’exigence africaine, légitime à tous égards de voir deux de ses États siégés au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membre permanent avec droit de veto. Ce ne serait que justice devant l’histoire et je vous remercie.

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