Le secteur informel est un véritable amortisseur social au Congo. Il crée des opportunités économiques en contribuant à la richesse nationale, ainsi qu’à la création des emplois et des activités génératrices de revenus pour diverses catégories sociales. Ce secteur emploie plus de soixante-treize mille personnes, dépassant largement la fonction publique. Les statistiques montrent que plus de quarante-deux mille unités économiques exercent principalement dans l’agriculture, le petit commerce, l’artisanat et autres domaines.
Au Congo, les agglomérations informelles sont cruciales pour de nombreux ménages. La population urbaine accorde une grande importance économique aux activités informelles. Chaque ménage congolais tire en moyenne une partie de ses revenus en créant une unité de production informelle. L’économie informelle emploie plus de personnes que la fonction publique et le secteur privé formel. Cependant, ce secteur échappe à la réglementation et à la fiscalité. De nombreux détenteurs d’unités de production ne sont pas immatriculés et ne se conforment pas aux principes du droit des affaires, à la législation fiscale, ni aux autres dispositions juridiques en vigueur.
Interrogée sur son activité, Rosine Wakaka, une vendeuse au marché de Moukondo, a souligné l’importance d’exercer cette activité : « Mon mari est admis à la retraite depuis 2004, et toutes les charges de la maison me reviennent. C’est grâce à mon petit commerce que j’essaie de subvenir aux besoins de ma famille », a-t-elle expliqué.
Exerçant dans l’informel, Mirlaine Nzaba, une autre femme, a fait part de son parcours au quotidien pour s’en sortir avec ses enfants : « Je m’emploie au quotidien à me réveiller aux premières heures du matin pour me rendre au marché Total, où je m’approvisionne en légumes que je revends en détail dans mon quartier. C’est grâce à cette activité que je prends en charge la scolarité de mes enfants ».
Quefaire Matondo, propriétaire d’un restaurant-bar au quartier Diata, à Brazzaville, a dit qu’elle exerce le commerce depuis 2006, après l’obtention de son diplôme en gestion administrative. A son avis, c’est grâce aux bénéfices générés par son activité qu’elle a pu acquérir des parcelles, bâtir des maisons et subvenir aux charges liées à la scolarité de ses enfants à l’étranger. Pour répondre aux sollicitations des clients, elle emploie deux jeunes garçons.
Si l’économie informelle constitue dans une large mesure un levier de développement limité à l’auto-subsistance, en raison de la faible productivité, elle peut tout de même accentuer la croissance avec un coup de pouce des pouvoirs publics, à travers les structures de financement et l’accompagnement technique des différents fonds mis en place par le gouvernement, à l’exemple du Fonds national d’appui à l’employabilité et l’apprentissage (FONEA).
Dans une certaine mesure, certains analystes économiques affirment que la régularisation constitue un frein à la rentabilité économique, en raison des coûts supplémentaires imposés aux commerçants exerçant dans le secteur informel. A l’inverse, d’autres estiment que la réglementation serait un moyen important pour corriger les imperfections du marché et assurer une rentabilité mieux maîtrisée, donc plus sécurisée.
Le gouvernement congolais, avec l’appui de la Banque mondiale et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), envisage de mettre en place des mécanismes nécessaires pour trouver des solutions, afin de formaliser ce sous-secteur de l’économie. L’objectif est d’identifier les raisons et caractéristiques des activités informelles, les obstacles au processus de formalisation, la mise en place des mesures incitatives prioritaires pour faciliter la transition vers l’économie formelle, définir une feuille de route pour le suivi des recommandations et partager des bonnes pratiques en Afrique, en termes de modèle économique à partir du secteur informel.
Au cours des dernières décennies, les statistiques sur l’économie informelle ont mis en lumière l’augmentation de la main-d’œuvre informelle, estimée à 2 milliards de travailleurs dans le monde, et l’importance de leur contribution.
Parmi les solutions envisagées pour relever le défi, figurent la mise en place d’un cadre de réglementation, la formation et la création d’un conseil de l’économie informelle. Formaliser l’économie informelle signifie étendre la reconnaissance, la visibilité, les opportunités économiques, la protection sociale et la vigilance requise pour les travailleurs de ce secteur. Cela passe par le développement des capacités et de la force organisationnelle des acteurs pour qu’ils revendiquent leur droit en tant que travailleurs et citoyens.
Malgré sa faible contribution dans l’économie nationale et son rôle d’amortisseur social, les acteurs de l’économie informelle sont exclus du système de protection sociale. Ne figurant sur aucun registre fiscal et d’immatriculation de l’Etat, ces acteurs économiques ne peuvent pas accéder aux mécanismes de financement, de formation et d’accompagnement mis en place par l’Etat, d’où la nécessité d’explorer les pistes de solutions pour la transition des acteurs informels vers le formel, à travers le recensement, les offres de formation et l’accès au crédit. Il faut aussi cerner les problèmes qui minent ce domaine, en vue de dégager une feuille de route nécessaire à l’élaboration de la politique nationale de l’économie informelle.
Le secteur de l’économie informelle nécessite la mise en place des fonds de microcrédit pour le secteur informel, afin de mener des campagnes de sensibilisation à l’importance de la formalisation, de créer des mécanismes d’accès aux financements, de digitaliser les opérations de financement des acteurs de l’économie informelle et d’accéder aux financements pour assurer l’uniformisation et la catégorisation des taxes dans les marchés domaniaux. Cela permettra d’assurer l’accompagnement financier, matériel et technique des femmes, en vue de garantir la croissance inclusive et durable visée par le Plan National de Développement (PND) 2022-2026. Il s’agit également de définir la feuille de route pour l’élaboration de la politique nationale de l’économie informelle au Congo, dans le but de donner une réponse aux attentes de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
Par la lettre N°0056/MEF du 2 novembre 2022, la République du Congo a manifesté son intérêt pour adhérer au Fonds de Solidarité Africaine. Ce fonds se réalise sous forme de garantie, de refinancement et de caution accordée aux banques congolaises. Cela facilitera non seulement le financement adéquat des projets portés par les petites et moyennes entreprises industrielles, mais aussi le soutien du trésor public dans la mobilisation de l’épargne domestique auprès des systèmes bancaires et sur le marché financier.
ACI