Les chansons d’aujourd’hui sont moins éducatives que celles de l’ancienne époque, selon les mélomanes

La musique adoucit les mœurs, selon un adage populaire. Cependant, cette assertion ne s’avère pas indiscutable, dès lors que certaines chansons portent des messages qui blessent les sensibilités. Cette problématique a amené l’ACI à enquêter sur le thème «Les compositions musicales de l’ancienne époque et de la nouvelle génération : quel message et quel impact sur la société congolaise».

Les compositions musicales de l’ancienne époque et celles de nos jours contiennent des messages nuancés.Celles d’autrefois étaient fondées sur l’éducation des masses. Certes, il y avait aussi le volet distraction, mais elles privilégiaient l’éducation de la population, a dit le mélomane Roland Ilowé, lors d’une interview accordée à l’Agence Congolaise de l’Information (ACI).

« Comme on dit, elle faisait d’une pierre deux coups : distraire et instruire. Les thèmes des chansons donnaient à réfléchir et permettaient à ceux qui s’y intéressaient d’en tirer largement profit sur le plan éducatif. De ces chansons étaient aussi extraites des expressions qui devenaient parfois, au fil des temps, des adages populaires pour éduquer et rappeler aux gens l’attitude à adopter face à une situation quelconque », a-t-il expliqué.

Pour certains, ces chansons et leurs auteurs devenaient des références ou des modèles en matière d’éducation. Ainsi, ces œuvres peuvent être exécutées ou être écoutées en public  ou en famille sans susciter des regrets, leur contenu étant décent.

A contrario, les compositions musicales d’aujourd’hui, surtout celles proposées par les jeunes, recèlent davantage de sous-entendus et de messages confus et dénués parfois de sens.

De l’avis de Roland Ilowé, dans ces chansons, l’auteur privilégie la danse d’abord et avant tout. Aucun message ni leçon n’est à tirer de ces œuvres. La préoccupation majeure du compositeur réside dans la manière de distraire le public et de le détourner de toute attitude réfléchie. La devise du jeune musicien est : « Ne pense pas, danse plutôt ». Ces compositions mettent l’accent sur l’évasion et non sur la réflexion.

De nos jours, malheureusement, on remarque qu’il y a dans ces compositions beaucoup de thèmes obscènes. On a l’impression qu’elles font l’apologie de l’immoralité et de l’indécence, au mépris de la morale qui devrait régir la vie en société.

Le bon sens n’est plus la préoccupation majeure des nouveaux convertis à la musique (jadis animateurs de discothèques). La nouvelle génération de musiciens, au sein de laquelle se trouvent les ‘’artistes’’ qui se font appeler DJ, a cru apporter de l’innovation dans la musique. Au contraire, elle l’a discréditée.

Certes, la musique adoucit les mœurs, mais celle-là, sans être trop sévère, semble abrutir ces  créateurs et ceux qui l’écoutent.

Poursuivant son propos, le mélomane Roland Ilowé a fait remarquer que l’immoralité n’est pas seulement l’apanage des jeunes DJ, car d’autres jeunes musiciens, à la tête de certains orchestres, parfois de renom, ont versé dans ce style musical en mettant en exergue l’impudicité  et la vulgarité qui favorisent la dépravation des mœurs.

Ces chansons ont fait naître le phénomène appelé ‘’dédicace’’. Celui-ci contribue parfois à prêter allégeance à la médiocrité. Ces messages diffusés consistent à élever même les conduites répréhensibles. Ces chansons, dépourvues de thème précis, ont pour caractéristique principale le bruit assourdissant.

Poursuivant  dans le même sens, Gilardin Moumbenza, un autre mélomane, a pensé que les  musiciens de la nouvelle génération sont aussi capables de composer de bons textes. Ainsi, pour les amener  à créer des chansons dépourvues d’insanités, ils seraient souhaitables que les gouvernants puissent renouer avec la censure. A son avis,« Les artistes d’aujourd’hui font recours au cerveau pour composer des chansons avec des insanités. Aussi, ils utiliseront le même cerveau pour créer des chansons qui soient citoyennes ».

Jadis, les parents et les enfants pouvaient écouter la musique ensemble. Par contre, de nos jours, si ce n’est une œuvre de la vieille génération, il est imprudent de se donner ce loisir, car le fond musical de plusieurs chansons des jeunes artistes véhiculent des insanités, bien que dites parfois de façon voilée, avec des thèmes non instructifs. « Au final, on ne comprend pas le fond du  message. Si je peux revenir sur l’ancien temps, la mélodie  était basse, les paroles étaient élevées. Lorsque nous écoutions  la musique, nous étions plus concentrés sur le message que sur l’instrument. Aujourd’hui l’instrument prend le dessus sur le texte. De façon générale, la musique d’aujourd’hui est une  musique  perverse, inutile et nuisible.»

A propos de la composition musicale, l’artiste Rogatien Okombi Ibambi alias Roga-Roga a dit que  les musiciens  composent  les chansons selon la vie sociale, et cela dépend de la  façon de faire d’un artiste à un autre, notamment  de sa sensibilité et de sa culture. De façon générale, la composition musicale va de pair avec la vie sociale, d’où la différence.

Comparant les textes des musiciens d’antan à ceux de nos jours, outre quelques individualités qui émergent du lot, l’ancien musicien et directeur artistique des ‘’Bantous de la capitale’’, Albert Dedhey Tsounga, a dit que la composition a perdu de sa valeur, surtout avec l’avènement de la technologie. « Aujourd’hui, au Congo, c’est une  musique informatisée et sans âme qui semble prédominer », a-t-il déploré.

« Nous utilisons mal cette technique, car il y a trop d’instruments. Les voix ne sont pas claires comme avant. Toutes les fréquences sont occupées par les instruments. Jadis, la chanson était difficile à écrire, il faillait avoir un thème. Aujourd’hui, elle est dansante », a-t-il regretté, soulignant que les artistes congolais ne font que du bruit. « Je les appelle les musiquettes ou les amuseurs publics », a-t-il ajouté. 

Se référant à la définition du dictionnaire Le Robert, selon laquelle « La musique est un art qui arrange, ordonne les sons suivant des règles, organise une durée avec des éléments sonores », il a soutenu que la musique est l’art de s’exprimer par les sons agréables.

Quant à l’ancien  technicien des ‘’Bantous  de la capitale’’, Antoine Samba, il a dit que « quand nous voulons continuer avec les réalités de nos mœurs et de notre évolution,  nous devons tenir compte de ce que les anciens ont fait avant, tout en œuvrant à l’amélioration. Notre jeunesse n’est plus dans la réalité. Elle a perdu son identité, car elle fait la musique importée. La musique doit éduquer. Elle est comme un code de la route. Aujourd’hui, elle distrait seulement les gens.»

La musique et son  impact social

Faisant l’étude comparative entre les compositions musicales d’antan et celles d’aujourd’hui, concernant l’impact des textes sur la société,  les personnes interviewéesont fait savoir quel’impact n’est pas le même, dans la mesure où les chansons d’autrefois incitaient lesgens à la réussite, à la prise de conscience et au changement de comportement. De ce fait, elles favorisaient l’épanouissement de soi, une meilleure intégration dans la société et la cohésion sociale. A propos de la cohésion sociale, évoquant ainsi l’unité, à titre d’exemple, Antoine Samba a cité la chanson ‘’Congo’’ de Jacques Loubelo, à travers laquelle le compositeur rappelle que les Congolais sont ou devraient être UN, quelle que soient leur appartenance à des ethnies différentes.

Outre ce chef-d’œuvre, plusieurs autres compositions musicales ont servi et servent aussi de modèles référentiels pour éduquer et conscientiser la société, parmi lesquelles ‘’Mama na pesi yo melesi’’ de Alphonse Ntaloulou alias Alphonso, qui loue les mérites de la femme mère ; et ‘’Congo na biso’’ de Yvon Mbemba Bingui alias Pamelo, qui rappelle la vie du pays avant la colonisation et les conditions qui ont amené les autochtones à lutter pour l’indépendance.

De l’avis des personnes interviewées, « Les sociétés sont dirigées et transformées par des leaders d’opinion, dont les idées impactent leurs environnements respectifs. Les musiciens font aussi partie de cette catégorie de personnes, parce qu’ils influencent l’opinion publique par leurs œuvres d’esprit ». Ainsi, il découle de ce constat que certains musiciens de la nouvelle génération participent à la dépravation des mœurs ou sont des acteurs qui en font la promotion.

Hors de la scène, l’habillement de ces musiciens, parfois indécent, constitue un indice. Au cours des concerts et autres prestations, leurs tenues et celles des danseuses, autant que les danses lascives et souvent obscènes, concourent inéluctablement à la destruction des principes moraux qui constituent le fondement de toute société.

Il sied de souligner que de tels spectacles, ainsi que la diffusion des vidéos ou des images et des chansons légères, ont un effet de contagion de masse qui est en train de gagner aisément du terrain, à l’image d’une maladie sournoise dans un corps apparemment sain.

R. Claudite  ONDELE 

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