Bannir le discours de haine pour conforter la démocratie et l’unité nationale

Le pluralisme politique en République du Congo remonte à la période pré et postcoloniale entre 1956 et 1963, après quoi il y a eu une hibernation due à l’instauration du monopartisme en 1963. Le vent démocratique (la perestroïka et le glasnost) venu de l’Europe de l’est en 1990 a rétabli le multipartisme et a libéré aussi bien le discours journalistique que politique. Mais pendant ces deux périodes dites du pluralisme politique en République du Congo, le discours politique est quelque fois taxé de contribuer au déchirement du tissu social et aux émeutes. A titre d’exemples, les événements malheureux de 1958 entre les partisans de Fulbert Youlou et de Jacques Opangault ainsi que le conflit entre les partisans de Pascal Lissouba et de Bernard Bakana Kolélas (1993-1994) sont imputables aux prises de position des uns et des autres à travers leur dire, d’où la nécessité de « bannir le discours de haine pour conforter la démocratie et l’unité nationale », a suggéré un citoyen congolais.

A lire le guide pratique de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), intitulé ‘’Lutter contre le discours de haine dans les médias audiovisuels’’, produit sous la direction de Georges Nakseu-Nguefang, alors directeur des “Affaires politiques et gouvernance démocratique” à l’OIF, le discours de haine est compris comme « le fait de prôner, de promouvoir ou d’encourager, sous quelque forme que ce soit, le dénigrement, la haine ou la diffamation d’une personne ou d’un groupe de personnes, ainsi que le harcèlement, l’injure, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation ou la menace envers une personne ou un groupe de personnes et la justification de tous les types précédents d’expression au motif de la race, de la couleur, de l’origine familiale, nationale ou ethnique, de l’âge, du handicap, de la langue, de la religion ou des convictions, du sexe, du genre, de l’identité de genre, de l’orientation sexuelle, d’autres caractéristiques personnelles ou de statut »

En 1959, la configuration du leadership politique laissait déjà entrevoir un repli identitaire du fait du regroupement des militants des principaux partis autour du leader appartenant à leurs groupes ethniques. Le journal ‘’Le Monde’’[1]du 13 juin 1959 révèle que « les partis politiques congolais ont une assise géographique et représentent avant tout les tribus. ». Le Mouvement Socialiste Africain (MSA) de Jacques Opangault, composé essentiellement par les tribus du nord ; l’Union Démocratique de Défense des Intérêts Africains (UDDIA) de Fulbert Youlou, par les tribus du Pool ; et le Parti Progressiste Congolais (PPC) de Félix Tchicaya regroupait les tribus du bas du fleuve et de la région de Pointe-Noire. Le basculement d‘un député MSA, Yambot, en faveur de l’UDDIA, a suffi pour raviver les rivalités tribales entre « Laris et Mbochis », explique ‘’Le Monde’’.

Selon certains observateurs de la vie politique congolaise, les premières élections libres et transparentes sont celles qui ont eu lieu en 1992. Mais là aussi, les principaux leaders, Pascal Lissouba et Bernard Bakana Kolélas, pour ne citer qu’eux, ont construit leur discours politique autour du régionalisme. Balkanisé par les politiques, le pays s’est vu subdiviser en plusieurs regroupements ethniques et régionaux. Et le discours violent des différents leaders a, sans doute, occasionné la guerre civile entre 1993 et 1994, qui opposa les partisans de Pascal Lissouba, constitués en grand nombre de ressortissants du Niari, de la Bouenza et de la Lékoumou dont ce dernier était originaire, à ceux de Bernard Bakana Kolélas, essentiellement du Pool.

Depuis l’an 2002, le pays a renoué avec le vote multipartite, notamment les élections présidentielles, législatives et locales. Mais malgré des avancées significatives dans la régularité de l’organisation des différents scrutins, l’ethnocentrisme, mieux le repli identitaire reste profondément visible dans le dire et l’agir des Congolais en général et des politiques en particulier. Par exemple, aux dernières élections de juillet 2022, la plupart des élus aux locales ou aux législatives sont originaires de leurs circonscriptions électorales. Ce repli identitaire s’est récemment extériorisé pendant la campagne électorale de certains candidats. L’exemple le plus patent parmi tant d’autres a été le discours d’un candidat pendant la campagne électorale, dans lequel il a eu à déclarer que les circonscriptions de son département, situées au nord du Congo, ne peuvent pas élire d’autres candidats, si ce ne sont pas ceux du Parti Congolais du Travail (PCT). Selon ce candidat, il s’agit d’un problème d’appartenance à une localité donnée.

Heureusement, toute la classe politique a unanimement condamné ce discours contraire à l’unité du Congo. La conséquence de cette condamnation a été la sanction prononcée à l’encontre dudit candidat par le ministre de l’Administration du territoire, de la décentralisation et du développement local,ainsi que le retrait de sa candidature par son parti, le PCT, au profit d’une candidature féminine. Cela a été un pas dans le processus de démocratisation, notamment en ce qui concerne la promotion de l’assainissement du discours politique et de l’unité nationale.    

Marcellin Mouzita Moukouamou                 

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