Les Brazzavillois et les Pontenégrins en proie à une instabilité des prix des denrées alimentaires

Depuis bientôt deux ans, les populations des deux grandes agglomérations de la République du Congo, Brazzaville et Pointe-Noire, sont confrontées à une instabilité des prix des produits de grande consommation dans la quasi-totalité des surfaces commerciales.

L’inflation des prix met à mal le pouvoir d’achat des ménages

L’instabilité des prix impacte le panier de la ménagère et la gestion des provisions au sein des ménages. En effet, plusieurs produits alimentaires ont vu leurs prix subir une inflation qui met à mal le pouvoir d’achat des ménages de ces deux villes. A titre d’exemple, le bidon de 25 litres d’huile, autrefois acheté à 12.500 FCFA, coûte aujourd’hui 26.500 FCFA. Acheté avant à 200 FCFA, le savon coûte aujourd’hui 250 FCFA. Cette inflation concerne aussi les produits surgelés. Initialement vendu à 9.000 FCFA, le carton de cuisses de poulet coûte actuellement 12.500FCFA. Le prix du carton de 20 Kg de poisson Chinchard ou ‘’Mosséka’’, quant à lui, est passé à 34.000 FCFA, alors qu’avant il était à 26.000 FCFA.

Selon quelques personnesinterrogées par les reporters de l’Agence Congolaises de l’Information (ACI), les prix fluctuent de mois en mois. « En juin dernier, j’ai acheté le carton de 20 Kg de poisson de marque Corvina à 30.000 FCFA. A la fin de juillet, le prix de ce même produit a connu une forte hausse, passant ainsi à 38.000 FCFA », a déploré Vanecia Carionne, une ménagère interrogée pendant son shopping au marché ‘’Moungali’’.

Parmi les raisons évoquées par les commerçants, quant à cette inflation, figurent la pandémie de Covid-19, le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, ainsi que les taxes élevées au niveau des péages.  « Pour nous, les commerçants, il ne nous est pas facile d’exercer nos activités. Nous arrivons à peine à nous en sortir face l’augmentation des prix chez les grossistes. Ainsi, nous sommes contraints d’augmenter les prix pour réaliser des bénéfices », a confié Christian Loubaki, un détaillant du marché ‘’Moungali’’.

De l’avis des commerçants de Pointe-Noire, la ville économique, la situation reste inchangée. « Avant la crise sanitaire provoquée par la pandémie du Covid-19, les prix étaient abordables. Pendant cette pandémie, les prix avaient augmenté à cause des restrictions qui ont affecté le secteur du transport à l’extérieur du pays. Mais, de nos jours, la situation ne s’améliore pas avec la guerre en Ukraine », a confié la majorité des commerçants de cette ville.

Ces commerçants ont déploré l’imposition de multiples taxes qui ne facilitent pas les choses face à cette crise mondiale. « Si les taxes diminuent au niveau de la douane, les prix vont changer chez les détaillants », a fait savoir un grossiste pontenégrin qui a requis l’anonymat.

Au regard de cette situation, le président de l’association des consommateurs, Mermans Babounga, a dit que cela est inacceptable dans un pays pourvu d’un ministère investi de la mission de réguler les prix, avant de rappeler que « les consommateurs ont donné des alertes depuis le mois de décembre 2021 ».

« Nous avons lancé des alertes au gouvernement qui a la mission de réguler les prix depuis décembre, dès lors que la situation devenait préoccupante au jour le jour. De notre point de vue, aucune action stratégique inclusive n’a été menée, en dehors de la subvention de la farine de blé et de la tentative de régulation des prix de l’huile revus à la baisse, mais jugés trop élevés par les consommateurs, parce que ce sont des stocks d’avant le déclenchement de la crise en Ukraine », a dit Mermans Babounga.

Pour sortir de cette crise, il a proposé la mise en place d’un comité ad hoc de surveillance des prix sur les marchés, avec la participation des associations des consommateurs, si on veut réellement surveiller l’envolée des prix. « Tout cela dépend de la volonté du gouvernement », a-t-il ajouté.

Aussi, il a appelé les consommateurs à apporter les preuves de toutes les augmentations des prix observées des denrées alimentaires depuis décembre, afin de les vérifier et d’en référer au gouvernement pour attributions. Pour Nganga Banzouzi, une mère de famille, cette augmentation n’arrange personne. Selon elle, cette situation impacte le salaire qui ne répond plus. Sur ce, elle a demandé au gouvernement de résoudre ce problème qui porte un coup au panier de la ménagère.

Cette instabilité des prix est constatée également sur les produits locaux et saisonniers comme les fruits et les légumes. De l’avis des personnes interviewées, les vendeurs de ces produits profitent de la situation pour créer une spéculation. A titre d’exemple, ces dernières ont cité le manioc qui est devenu cher et dont le poids a complètement baissé.

Interrogées à ce sujet, des vendeuses de manioc ont évoqué le payement des taxes au niveau des péages sur les principales entrées des deux villes. A leur avis, ces taxes les ont amenées à revoir à la hausse les prix de leurs marchandises, autrement elles seraient perdantes. « Aucun commerçant n’accepterait d’être perdant dans son activité », ont-elles fait remarquer.

Depuis le 15 décembre dernier, le ministre du commerce, des approvisionnements et de la consommation, M. Alphonse Claude N’silou, a signé un arrêté qui règlemente les prix des produits gelés, pour apporter une solution à la flambée des prix des denrées alimentaires et soulager la population.

Sur cette liste, le kilogramme de certains produits est revu à la baisse. Ainsi, le prix de la viande bovine congelée à Brazzaville est fixé à 2.650 FCFA en gros, tandis qu’il est à 2.750 FCFA au détail à Pointe-Noire. Le prix de la viande de bœuf est à 2.600 FCFA en gros et à 2.700 FCFA au détail. Celui du litre d’huile est fixé à 750 FCFA au détail à Pointe-Noire et à 800 FCFA à Brazzaville.

A sa publication, cette liste a été contestée par les commerçants de Brazzaville. Selon eux, la réduction des taxes douanières ne répond pas, parce qu’ils utilisent les semi-remorques pour faire venir la marchandise de Pointe-Noire, et que celles-ci sont payées à 850.000 FCFA aux sept péages, ce qui les poussent à maintenir les prix à la hausse.

Selon Aliba, une citoyenne lambda, il est possible et impérieux de réduire les taxes, comme dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, où les mêmes produits importés sont plus moins chers que sur les marché de Brazzaville et Pointe-Noire.

Dépendance du pays de l’extérieur

Selon les informations sur le commerce extérieur de 2020, le Congo demeure fortement dépendant de l’extérieur pour sa consommation alimentaire. Les achats des produits importés constituent le marqueur du fort ralentissement des activités économiques qu’a connu le Congo au cours de cette année.

Ces importations ont été évaluées à 905,3 milliards de FCFA en 2020, en baisse de 18,3%, contre 1.107,7 milliards de FCFA en 2019. Le taux de couverture en 2020 est resté constant à 262%, avec une valeur de 2.016 milliards de FCFA en 2020, contre 2.584 milliards de FCFA en 2019.

Parmi les produits les plus importés, figurent les viandes et les abats comestibles, les poissons, les médicaments, le froment (blé) et le riz, qui proviennent principalement des pays tels que la Chine, la France, la Belgique, les Etats-Unis d’Amérique (USA), l’Inde et la Russie.

« Cette dépendance influence grandement les prix des produits de première nécessité importés par les commerçants. Elle ne permet pas aux Congolais de voir le bout du tunnel, puisqu’ils sont assujettis à une agriculture qui ne les satisfait pas », a fait constater un citoyen lambda.

Afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, il s’avère impérieux de prendre en compte l’appel du Chef de l’Etat, Denis Sassou-N’Guesso, dans son discours prononcé à l’occasion des festivités marquant les 62 ans de l’indépendance du Congo. Dans son propos, il a invité le peuple à relever le défi de l’indépendance alimentaire en se donnant à l’agriculture au sens large, avant de rappeler à cet effet les potentialités naturelles du pays, entre autres l’immense étendue de terres arables et une hydrographie importante.

« Il s’agit de créer les conditions d’une agriculture nouvelle qui accroît notre capacité de production et réduit nos importations des denrées alimentaires. L’agriculture, au sens large, doit se matérialiser par des résultats substantiels », avait exhorté le Président de la République.

Berninie Dédé Massamba

Articles Similaires

DERNIÈRES PUBLICATIONS

FansJ'aime
SuiveursSuivre
AbonnésS'abonner